• *Témoignage, manifestation du samedi 26 janvier à Manosque

     

     

    Témoignage

     

    Événements du samedi 26 janvier 2019 à Manosque

     

    Avec ma femme, nous avons participé à la manifestation du samedi 26 janvier après midi à Manosque, à l’appel des gilets jaunes et de syndicats, nous sommes tous les deux retraités.

    Cette manifestation importante s’est passée dans le calme, les déambulations dans le centre ville se sont très bien passées, avec même des discussions avec les commerçants.

    A la fin de la manifestation, nous avons descendu l’avenue Jean Giono, comme de nombreux amis et connaissances, comme une majorité de manifestants.

    Et comme nombreux d’entre eux nous nous sommes attardés à la terrasse d’un café pour boire un coup. Nous entendions bien des explosions, mais sans trop savoir ce qu’il se passait.

    Nous avions enlevé nos gilets jaunes.

    En très peu de temps, nous avons vu des manifestants descendre en courant l’avenue, ils criaient « sauvez vous, enlevez vos gilets, ils chargent et gazent tout le monde ». Inquiets nous avons quitté le café ou nous étions pour rejoindre notre véhicule garé sur le parking Combaud.

    Et là, nous avons été gazés, poursuivis par les forces de l’ordre, sans trop comprendre ce qu’il nous arrivait. La scène était devenue surréaliste en quelques instants.

    Aucune sommation ni avertissement de la part des forces de l’ordre.

    Perdus dans les gaz et le bruit des bombes, nous avons emprunté, avec d’autres manifestants, une rue perpendiculaire pour fuir. Les forces de l’ordre ont continué à nous poursuivre et nous nous sommes réfugiés dans une propriété d’immeuble.

    Nos amis avec qui nous avions bu un coup se sont réfugiés dans un établissement de l’avenue.

    Un autre couple d’amis s’est séparé, le mari ayant gardé son gilet s’est sauvé, et sa femme, ne pouvant plus courir, s’est assise au bord de l’avenue et a été gazée.

    Tous ces gens avaient quitté la manifestation depuis plus de 30 minutes et avaient plus de 50 ans.

    J’ai vu d’autres amis se sauver en pleurant, une autre encore qui courrait en poussant le fauteuil d’une jeune dame handicapée.

    Nous sommes restés dans cette propriété quelques temps, puis avons tenté de rejoindre notre véhicule sans passer par l’avenue, nous avons traversé les stades puis nous nous sommes retrouvés un peu avant le carrefour de Super U. Et là, les forces de police empêchaient les gens de passer, impossible de rejoindre notre véhicule en empruntant l’avenue.

    Au bout d’un certain temps, les forces de l’ordre ont repris leur poursuite vers le carrefour de l’autoroute, et nous avons pu partir en remontant vers le centre ville.

    Jamais je n’aurais cru vivre cela à Manosque, dans le 04.

     

    C’est mon témoignage, ce que j’ai vécu.

     

    Cette charge aurait été motivée par des jets de peinture ou risques de taguage du commissariat (selon la presse).

    Si c’est le cas, il est normal que les forces de l’ordre réagissent et sanctionnent les fauteurs.

    Mais ce qu’on a vécu ne correspond pas à des réactions proportionnées au trouble à l’ordre public. Pour moi, c’est très clairement une chasse au manifestants qui a été organisée. Les forces de polices ne s’en prenaient pas à des fauteurs de troubles, mais à tout le monde, sans distinction, avec des gilets jaunes ou non.

    Cela s'est passé très loin des éventuels troubles constatés, jusqu’à plusieurs kilomètres. Par leur comportement, ils ont été jusqu’à nous empêcher de rejoindre nos véhicules pour quitter les lieux.

    La préfecture est responsable.

    L’objectif est, selon moi, de décourager les manifestations, de faire peur.

    Le résultat est inverse, même si j'ai peur effectivement, je me sens encore plus obligé de participer à nouveau aux manifestations avec les gilets jaunes, les syndicats, les forces de gauche qui soutiennent ce mouvement. Et je ne suis pas seul, tous les amis, toutes mes connaissances ayant subi ces violences à Manosque disent la même chose.

    J’emmènerai dorénavant un masque et des lunettes (anti poussières) pour tenter de me protéger. Ce qui risque de me faire passer pour un casseur, ce que je ne suis pas. Mais comment faire autrement ? C’est la liberté de manifester qui est attaquée, et même la liberté d’emprunter les voies publiques.

    Ces actions des forces de l’ordre décrédibilisent totalement les pouvoirs en place. Elles montrent que les forces de l’ordre engendrent le désordre, perdent leur légitimité, réagissent de façons disproportionnées, mettent de l’huile sur le feu.

    Tous les médias, tous les acteurs de la vie publique, de la société civile, disent que la violence dans les manifestations n’est pas légitime, je le pense également encore aujourd’hui.

    Mais la violence des forces de l’ordre, donc de ceux qui sont en charge de l’ordre, et de ceux qui donnent les ordres, est encore moins légitime, elle est inadmissible, illégale, il n’y a pas de mots pour le dire.

    Dictature ? espérons que c’est trop tôt pour le dire.

    Le résultat est dramatique, si on ne peut plus faire confiance aux forces de l’ordre, c’est très grave.

    N’est ce pas le rôle de la préfecture, du pouvoir, d’apaiser les conflits au lieu de les aggraver ?

    Autre remarque personnelle, le nombre de blessés doit être beaucoup plus important que les chiffres officiels, une connaissance a été atteinte par un tir de flash ball, elle a secourue par des manifestants, cette personne n’a pas voulu être hospitalisée, et cependant elle a été sévèrement touchée.

    Alain Paulien