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    Matthieu Ricard : « L’inertie constitue un des problèmes de l’environnement »

    Le Monde | 10.12.2015 à 06h43 • Mis à jour le 10.12.2015 à 17h19 | Par Martine Valo

    Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain, interprète du dalaï-lama, essayiste, philosophe et photographe, vit au Népal depuis les années 1970. De passage à Paris à l’occasion notamment de la COP21, ce docteur en génétique cellulaire alerte sur les désastres qu’apporte déjà le changement climatique.

    Pourquoi vous intéressez-vous à la COP21 ?

    Un accord international pour le climat est a priori une affaire complexe, politiquement, économiquement, scientifiquement, stratégiquement. Pourtant cela revient finalement à une seule question, celle de l’égoïsme versus l’altruisme. Si l’on n’a aucune considération pour les générations à venir, on se fiche de ce qui va se passer dans dix ans. Après moi le déluge…

    Or pour la première fois, le sort des générations futures est entre nos mains. Il y a 10 000 ans, il y avait 5 millions d’humains, aujourd’hui non seulement il y en a 7 milliards, mais la puissance de leurs outils a été décuplée. Notre impact sur la planète est devenu déterminant. Ce n’est pas un point de vue de Bisounours. Nous sommes entrés dans l’anthropocène et nous sommes un peu dépassés par notre pouvoir sur l’environnement.

    Pourquoi est-il si difficile pour l’homme de reconnaître ses responsabilités ?

    C’est simple : comme le phénomène est global, il y a une dilution de la responsabilité. Au réveil le matin, je ne me dis pas que je saccage la planète, je n’en ai ni l’intention ni la sensation. Et ces phénomènes sont extrêmement graduels. Si le CO2 était rose et que le ciel devenait chaque jour plus rose, on serait déjà alerté. J’ai été ornithologue dans ma jeunesse. Au Croisic, en Bretagne, il y avait alors des milliers de bernaches, il n’en reste qu’une douzaine, mais leur disparition s’est produite progressivement. L’évolution nous a équipés à juste titre pour réagir à des dangers immédiats. Le futur ne fait pas mal, ou du moins pas encore. Enfin, nous sommes attrapés par l’actualité, qu’il s’agisse d’événements tragiques ou de querelles de clocher comme les élections régionales.

    Ces résultats politiques ne vous paraissent pas importants ?

    Ils comptent pour les Français, mais au regard de l’histoire cela représente une vaguelette dans un tsunami. Prenons l’immigration censée favoriser le score du Front national. Aujourd’hui, si on recevait 3 millions de migrants en Europe, cela correspondrait à 0,2 % de la population. Quand il y aura 250 millions de réfugiés climatiques qui fuiront pour survivre, une bonne partie arrivera ici. Quand 40 millions de Bengalis, dont beaucoup sont des musulmans, vont se rendre en Inde, un pays hindou, vous imaginez les conflits, les souffrances que cela va créer.

    Si l’on néglige les causes qui vont, entre autres dévastations, pousser ces gens sur les routes, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. Sans faire preuve d’un alarmisme apocalyptique, il faut avoir la sagesse, la volonté et l’altruisme de faire en sorte d’éviter ces drames. Au premier jour de la COP21, de grands chefs d’État ont prononcé de très beaux discours − dont celui du président français. Je pensais que l’action suivrait, mais nous avons du mal à sortir du court-termisme.

    Si le dossier n’avance pas politiquement, n’aurait-il pas besoin d’être davantage relayé par des autorités spirituelles ?

    Les problèmes sont créés par des humains, à eux de les régler. On ne va pas se tourner vers un Bon Dieu pour lui demander de les résoudre ! Les religions peuvent jouer un rôle. Il a été question d’organiser une grande réunion à Paris, avant la COP, avec Desmond Tutu [archevêque sud-africain et prix Nobel de la paix], peut-être le pape, le dalaï-lama… C’est tombé à l’eau pour des raisons diplomatiques. Pas question de braquer la Chine dont on attend qu’elle prenne des décisions sages par rapport au changement climatique.

    Avez-vous noté des impasses au cours de cette COP ?

    On y a très peu parlé de l’océan, qui nous apporte pourtant de l’oxygène. Cependant l’élevage industriel est le grand absent à mes yeux. Il est la deuxième cause d’émission de gaz à effet de serre. Il est mauvais du point de vue éthique, puisqu’on tue plus de 60 milliards d’animaux terrestres et marins par an, néfaste pour la santé, source de pauvreté aussi : des millions de tonnes de céréales servent à nourrir le bétail, plutôt que des humains. Et pourtant je n’ai entendu personne dire que l’on va le réduire drastiquement dans le monde.

    Mais pourquoi est-ce si difficile de parler de tous ces sujets ?

    Dans le cas de la viande, il y a une dissonance cognitive : on sait où est le problème, mais on ne veut pas l’aborder. On ne veut rien changer à son assiette. L’inertie constitue un des problèmes de l’environnement. Il faudrait un changement de culture, de vision, en finir avec le seul opportunisme economicus, mais on préfère se dire que l’homme sera inventif, qu’il trouvera des solutions… sauf que si vous avez 30 % des espèces qui disparaissent d’ici 2050, ce n’est pas en conservant leur ADN dans un frigo qu’elles vont revenir.

    Préconisez-vous un changement de nos modes de consommation ?

    Quand on parle de décroissance, certains comprennent retour à l’âge des cavernes, alors que ce terme désigne une meilleure qualité de vie en utilisant moins de ressources naturelles. Pour être saine, intelligente, une vraie croissance devrait être incluse dans une harmonie durable. En cessant par exemple de donner500 milliardsde dollars par an de subventions aux énergies fossiles, alors qu’on cherche 100 milliardspour aider les pays pauvres à s’adapter. Pourquoi on ne décide pas ça tout de suite ?

    Au Népal, des coupures d’électricité de 12 heures sont quotidiennes ; des mères de famille font des queues d’1 km pour obtenir 3 litres de kérosène afin de pouvoir cuire le repas. A New York, j’ai vu au moins 1 000 personnes alignées, prêtes à patienter trois heures pour acheter des foulards de marque à 300 dollars au lieu de 500 ! La file d’attente de la vanité à côté de celle de la nécessité résume les inégalités économiques, causes d’insécurité et de dégâts environnementaux. Les Etats-Unis émettent 200 fois plus de CO2 que la Zambie et le Qatar, 2 000 fois plus que l’Afghanistan !

    Voyez-vous des transformations au Népal ?

    La désertification gagne des collines entières. Il y a toutes ces sources qui se tarissent et ces villages qui du coup sont abandonnés. Les paysans locaux, qui n’ont jamais entendu parler du changement climatique, disent avec tristesse que l’Himalaya devient noir faute de neige. L’an dernier j’ai vu des papillons devant mon ermitage au Népal en décembre, à 2 000 m d’altitude.

    Pourquoi voulez-vous sensibiliser l’opinion à la situation du « toit du monde » ?

    Le Tibet est symptomatique. Un scientifique chinois lui a donné le nom de « troisième pôle » car il comprend plusieurs milliers de glaciers. Ceux-ci fondent plus vite que dans les deux autres, car les fumées industrielles d’Inde et de Chine viennent s’y déposer. Outre un grave problème de déforestation, il faut surtout souligner la menace du pergélisol (ou permafrost). Si cette couche de sol gelée − dont un quart se trouve sur le plateau tibétain − fond, cela libérera des quantités énormes de méthane, un gaz 20 fois plus actif que le CO2dans le réchauffement. Cela rendra impossible de contenir celui-ci sous les 2 degrés.

    Enfin, les six plus grands fleuves de l’Asie − le Mékong comme le Brahmapoutre − viennent de là, 35 % de la population mondiale en dépendent. Le Tibet est un endroit essentiel pour tous ses voisins et pour la planète.

     

     


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